Est-il possible que progressivement mais inéluctablement nous soyons en train de créer ensemble une véritable médecine palliative ?
Mais qu’est ce que ce changement de terme sous tend ?
Les Soins palliatifs avaient pour idée centrale de prendre soin de la personne en phase avancée, voire terminale d’une maladie létale. L’idée d’une mort prochaine était prégnante et ressentie comme imminente. C’est d’ailleurs la co-existence de la confrontation avec la mort de l’autre et son évitement phobique qui avait mené certains soignants à ré-inventer et promouvoir les soins palliatifs chez l’adulte puis chez l’enfant.
Une médecine palliative se propose d’élargir cette idée du « prendre soin » avec des soins et des traitements encore actifs, inventifs en amont de la fin de vie mais surtout en gardant l’aiguille de notre boussole sur le « raisonnable ». Qu’est ce que raisonnable veut dire ?
C’est d’être guidé par le juste soin, le rationnel et la concordance avec la réalité du pronostic de façon à ce que l’ensemble de la démarche s’inscrive dans une clinique du réel avec la prise en compte de presque tous les im-possibles : médicaux, techniques, humains, sociaux, culturels, psychologiques, existentiels . Ceci permet d’affirmer s’il était encore nécessaire de le faire que l’enfant, l’adolescent (et aussi le bébé) d’une part reste un sujet « acteur » de sa vie et d’autre part qu’il soit entendu sur ce qu’il peut nous dire de sa qualité de vie, quels que soient sa situation médicale.
Cela ne veut pas dire que nous considérions que le travail autour de la fin de vie de l’enfant soit terminé, loin s’en faut. Nous savons qu’il y a encore beaucoup à faire pour amener les services de pédiatrie – réanimation et soins intensifs, services de spécialités (cardiologie, hémato-onco, néphrologie, neurologie…), services et centres prenant en charge des malades atteints de pathologies chroniques, évolutives ou non – a mettre en oeuvre des accompagnements de fin de vie des enfants les plus a-traumatiques possibles. Nous expérimentons régulièrement combien des mesures pourtant simples apportent d’aide aux enfants en fin de vie à leur entourage en particulier aux frères et sœurs mais aussi aux équipes soignantes pédiatriques. En France, vient de se mettre en place au niveau national l’Observatoire de fin de vie qui devrait concourir à cette tâche.
L’article paru dans le New England à propos de l’intérêt de l’introduction précoce d’une démarche palliative au décours de la prise en charge de malades atteints de cancer du poumon montrait un allongement de la durée de vie de huit semaines avec une amélioration de leur qualité de vie. Ce travail nous invite à plusieurs réflexions en pédiatrie.
Comment introduire cette démarche palliative en pédiatrie suffisamment tôt ?
Comment évaluer rigoureusement son efficacité quant aux symptômes, mesurer les bénéfices tant pour l’enfant que ses accompagnants naturels (parents, fratries, grands parents, entourage élargie)?
Est-ce que ce type d’approche ne permet pas d’aider au maintien d’un sens de la prise en charge pour les professionnels du soin quand la questions des limites de nos possibilités curatives se posent ? -enfin cela nous invite bien sûr à élargir les soins palliatifs à bien d’autres domaines que la seule oncohématologie pédiatrique Si les conclusions de cette étude se confirmaient, ce serait une façon de montrer qu’il est possible et compatible de s’inscrire dans une démarche du « prendre soin » profondément humaine sans pour autant renoncer à la rigueur scientifique d’une pratique résolument guidée par une aspiration à lutter contre les maladies ou à en ralentir leur évolution. Le défi de la médecine palliative est d’assurer une harmonisation de ces différentes visées : curatives tant que faire ce peut, palliative tant que de nécessaire, soignante et accompagnante toujours.
Nous pensons que la médecine palliative en train de se créer, a d’une part un versant clinique spécifique et d’autre part doit relever le défi de la recherche. C’est un des challenge de la médecine palliative pédiatrique.
La recherche en médecine palliative n’est pas isolée du reste de la recherche en médecine. Cependant il est claire que sa spécificité fait que de fait elle constitue un lien entre la recherche médicale classique et la recherche en sciences humaines.
Le développement et la transmission des connaissances en matière de médecine palliative et plus particulièrement pédiatrique seront une priorité de ce site de façon à permettre l’accès à des outils pédagogiques et d’enseignement via les liens facilement accessibles pour tous quel que soient son lieu d’exercice et sa localisation dans le monde.
Bonne année 2011 ! Qu’elle permette la mise en œuvre dans nos institutions soignantes de soins palliatifs pédiatriques de qualité.
Pierre Canouï, Philippe Hubert et Marcel-Louis Viallard
Hôpital Universitaire Necker Enfants Malades, Paris