La fièvre hémorragique Ebola a réveillé dans les pays d’Afrique subsaharienne et centrale concernés, mais aussi dans de nombreux pays à travers le monde, des peurs ancestrales vécues lors des grandes épidémies de maladies transmissibles telles que la peste, la variole, la grippe espagnole ou plus récemment le SIDA, le SRAS.
L’importante médiatisation de populations terrifiées par Ebola montre à la fois des actions héroïques, de la part des soignants en particulier, et hélas aussi des réactions d’impuissance et de psychose aboutissant à une stigmatisation et à un abandon de personnes malades et mourantes. Ceci met en évidence des systèmes de santé particulièrement faibles caractérisés par des besoins en santé supérieurs aux ressources médicales tant humaines que matérielles. Dans ce contexte, l’organisation de soins palliatifs est souvent totalement absente.
L’OMS estime que, chaque année, plus de 20 millions de personnes devraient bénéficier de soins palliatifs, dont 1,2 million d’enfants. En 2011, 3 millions de patients ont réellement eu accès à ces soins et pour la majorité d’entre eux, à la toute fin de leur vie. Parmi les enfants concernés, la moitié vit sur le continent africain.
A ce sujet, dans son éditorial d’octobre 2013, Humbert Nago proposait que « le prochain défi soit de partager notre expertise avec nos collègues du ‘Sud’ pour que les enfants, les plus démunis parmi les plus démunis de notre terre, ne doivent ajouter la douleur à l’indignité de leur précarité ».
Au Sénégal, l’organisation des soins palliatifs pédiatriques est encore peu développée. Seules deux structures, toutes deux hospitalières, ont un programme dédié aux soins palliatifs pédiatriques ; il s’agit de l’unité d’oncologie pédiatrique et de celle de prise en charge des enfants atteints de SIDA. Sept principaux points ont été développés : Effectivement, le développement des soins palliatifs en Afrique subsaharienne est très variable d’un pays à l’autre, dans un même pays selon les régions et surtout selon le type de maladie.
La nécessité de soins palliatifs en néonatologie, voire en réanimation n’est pas envisagée dans probablement la majorité des pays d’Afrique subsaharienne.
Dans certains pays tels que le Kenya, l’Ouganda ou le Malawi les soins apportés aux personnes atteintes du SIDA se sont axés sur l’organisation des soins palliatifs ; ceux ci ont été intégrés aux soins de santé communautaire et ont permis la mise en place de réseaux de soins à domicile très performants. Les associations telles que Hospice of Africa y ont connu un essor exemplaire.
Dans d’autres pays comme la Cote d’Ivoire et le Sénégal, des approches plutôt hospitalières ont été notées.
Les pathologies qui ont le plus bénéficié de ces soins ont été le SIDA et dans une moindre mesure, les cancers.
Les enfants ont été inclus dans ces programmes avec parfois une approche spécifique ; cependant, dans la majorité des cas, il s’est agit essentiellement d’une prise en charge de la douleur et les efforts se sont portés principalement sur la disponibilité et la distribution de la morphine. Cette étape étant bien évidemment obligatoire.
- En ce qui concerne la prise en charge de la douleur, il est courant d’entendre des soignants déclarer ne pas pouvoir prescrire de morphine, car celle-ci n’est pas disponible. En écho, les responsables des ministères affirment ne pas connaître les réels besoins en morphine et sont frileux dans leur commande. La première étape a été de former les soignants et de les amener à prescrire la morphine chaque fois que cela était nécessaire et ce, même en cas de rupture! Ensuite, il a été nécessaire de déterminer nos besoins et de guider les responsables du ministère de la santé dans la politique concernant la disponibilité et la distribution de la morphine.
- L’information donnée à l’enfant et à sa famille sur sa maladie et les différentes étapes de sa prise en charge doit être la plus précoce possible. Dans notre pratique, les entretiens et les annonces se font à chaque événement ; la possibilité d’avoir recourt à un traitement palliatif est annoncé dès les premières annonces.
- Un soutien psychologique se fait au profit de l’enfant, de sa famille et du personnel soignant ; il s’articule autour de séances de groupe de parole et d’une prise en charge individuelle.
- Le support ludique et affectif est assuré grâce à l’importante implication des bénévoles et des associations.
- Le soutien financier apporté aux familles est fondamental ; celles-ci sont pour la plupart très démunies, 34% de la population vivant avec moins d’un euro par jour. Cette assistance va de l’aide au traitement médical qui est subventionné à plus de 80% au support matériel à la famille dans son ensemble.
- Un médecin et deux infirmières ont bénéficié spécifiquement d’une formation dans le cadre du réseau africain de soins palliatifs et d’accompagnement
- La décentralisation des soins basée sur un partenariat établi avec les soignants des hôpitaux régionaux est en cours..
A ce stade, les principaux écueils de ce programme sont, le caractère très centralisé du dispositif, l’indisponibilité de la morphine dans les régions et la faiblesse des ressources humaines. De ce fait, la distribution de soins palliatifs à domicile à travers le réseau de santé communautaire n’est pas encore organisée.
Les principales forces sont l’importante participation de la société civile et des associations, un début d’implication des pouvoirs publics et une demande croissante des patients. Une solidarité internationale aussi bien Sud-Sud que Nord-Sud permettant des échanges d’expériences et le développement de programmes est fondamentale.
Pr Claude Moreira
Oncopédiatre, université Cheikh Anta DIOP de Dakar, Sénégal