Autres symptômes, notre regard
Un défi persistant.
En soins palliatifs pédiatriques, on reste fréquemment confronté dans les derniers jours de vie à des symptômes non douloureux mais cependant source de souffrance pour l’enfant ou sa famille : asthénie, dyspnée, anorexie, dénutrition, nausées et vomissements, constipation, bouche sèche, toux. Ces symptômes, quand ils ne sont pas contrôlés, restent souvent au premier plan de l’image que garderont les parents de leur enfant. Ainsi, dans une étude conduite en onco-hématologie pédiatrique, plus de 4 enfants sur 5 ont souffert dans le dernier mois de vie d’asthénie, de dyspnée, et environ la moitié de nausées, de constipation ou de diarrhée. Ces symptômes n’étaient contrôlés par le traitement que dans moins de 15 % des cas. Même si de grands progrès ont été réalisés dans la dernière décennie, du chemin reste à parcourir.
La prise en charge des symptômes autres que la douleur chez l’enfant en fin de vie se heurte à trois écueils majeurs : absence totale de données validées par des essais cliniques quant à l’efficacité des traitements, absence d’outils de mesure utilisables au lit du patient pour apprécier l’efficacité des traitements, faible taux de reconnaissance de l’existence et de l’intensité des symptômes par l’équipe soignante.
Fonder les traitements sur des preuves scientifiques.
Comme avant lui le traitement de la douleur, le traitement de ces symptômes est sorti de l’ère de l’occultation pour entrer dans celui de l’empirisme. Il lui faudra lui aussi subir l’épreuve de la recherche clinique. Des difficultés éthiques et méthodologiques existent, mais ne sont pas insurmontables. Considérant la charge de souffrance imposée par ces symptômes, on peut affirmer qu’il n’est pas éthiquement acceptable de s’abstenir de recherche clinique en soins palliatifs pédiatriques, pourvu que cette recherche soit encadrée comme toute autre recherche clinique.
D’autres arguments éthiques militent en faveur d’une approche de type « médecine fondée sur des preuves » (evidence-based medicine) en soins palliatifs pédiatriques. Premièrement, en l’absence d’approche scientifique, un traitement jugé bénéfique peut avoir un effet nul, voire même opposé à celui espéré, et entraîner des effets secondaires. En second lieu, l’utilisation de certains traitements en soins palliatifs repose sur la règle éthique dite « du double-effet ». La première proposition de cette règle est que le but visé doit être bénéfique. Un préalable indispensable est donc que le prescripteur soit certain de l’efficacité du traitement qu’il propose.
Enfin, en quatre occasions, le débat éthique s’est tari devant l’apparition de preuves que les traitements proposés n’entraînaient pas les effets secondaires craints : les morphiniques utilisés pour traiter la dyspnée en soins palliatifs n’induisent pas de dépression respiratoire, les morphiniques utilisés pour traiter la douleur dans la dernière semaine de vie de patients adultes ne réduisent pas la survie, l’absence d’alimentation en phase terminale ne provoque pas de sensation de faim, la sédation modérée intermittente au midazolam pour traiter des symptômes incontrôlés n’abrège pas la vie.
Des buts à ne pas perdre du vue
Le but des traitements en soins palliatifs n’est pas de restaurer un fonctionnement libre de tout symptôme, mais de contrôler la souffrance et la détresse pour permettre à l’enfant une vie de relation de qualité.
Issus essentiellement d’essais menés chez les adultes, des traitements sont disponibles pour contrôler au moins partiellement la souffrance due aux symptômes non douloureux chez l’enfant en fin de vie. En attendant les résultats de futurs essais thérapeutiques, et en évitant l’escalade thérapeutique, les données actuelles devraient permettre de proposer à ces enfants un traitement dont le but doit rester clair : en diminuant leur souffrance, préserver leur dignité et leur permettre une relation chaleureuse avec leurs proches, jusqu’au terme de leur vie.
Michel Duval