La parole est ici laissée aux familles et aux proches, et elle témoigne des évènements survenant en dehors des structures de soin, simplement.
Après 3 ans de soin pour ma fille Emeline alors âgée de 6 ans et demi atteinte d’un neuroblastome, lors d’un rendez-vous seule avec le médecin, je pose la question des traitements encore possibles. Le 8 mai 1992, ce dernier me répond qu’il n’y a plus de traitement et que nous sommes arrivés au bout du bout. Qu’un accompagnement des douleurs et des contrôles vont être mis en place, mais qu’il ne sait pas combien de temps cela peut durer.
Que faire après cette annonce ?
« Ajouter de la vie aux jours quand on ne plus ajouter de jours à la vie ». Cette phrase du professeur Jean Bernard, grand cancérologue et académicien, exprime bien ce qu’il reste à faire.
Pour ma fille et pour nous, je voulais que la fin se déroule à notre domicile, une petite maison en banlieue ouest parisienne. Je désirais reprendre ma place de « parent » qui avait été si malmenée par tous les traitements auxquels il avait fallu se plier pour le bien de notre fille. J’ai cherché des renseignements sur les soins palliatifs. En 1992, on parlait tout juste des soins palliatifs pour adultes ; pour les enfants : cela n’existait pas.
Depuis les choses ont bien changé, L’association Paliped a été créée en région parisienne en 2010 et les équipes mobiles de soins palliatifs existent…Que dire à son enfant qui va mourir ? Quelle image ? Quelle explication ?Je cherchais désespérément. Pas de grand père ou de grand-mère connus qu’elle aurait pu rejoindre. A cette époque, l’image du papillon évoqué par le Docteur Kübler-Ross me parle. En tant qu’enseignante, je trouvais cela pédagogique.
A la suite d’une hémorragie qui ne s’arrêtait pas, nous avons décidé, ma fille, mon mari et moi de rester à la maison.Après plusieurs heures de coma, j’étais surprise de la résistance de ma fille, pourquoi ne mourrait-elle pas ? Qu’est-ce qui l’empêchait de partir ? Et là, l’image du papillon et de ce que j’avais envie de lui dire me sont venus, après un court instant de sieste.Je lui ai dit que « nous l’aimions et qu’elle était pour longtemps dans notre cœur et dans notre tête et qu’elle pouvait partir ». Je l’ai même guidé par mes paroles pour qu’elle parte tranquillement. Son papa est venu et lui a dit la même chose, elle est partie après ces paroles.
Nous avons raconté à notre fils âgé de 10 ans, alors à l’école, ce qui s’était passé. Il nous a dit par la suite, qu’il aurait aimé être présent.
Chaque fin de vie est unique. Aussi est-il important pour chaque famille de la vivre à sa façon, avec son histoire et selon ses envies afin de leur permettre d’apprivoiser l’absence de leur enfant et de réapprendre à vivre plus sereinement après une telle épreuve.
Faites-vous confiance, ainsi qu’à vos enfants pour vivre ces moments si douloureux mais si intenses.