Depuis quelques années, les professionnels de soins palliatifs pédiatriques en France sont invités régulièrement au chevet des enfants polyhandicapés, appelés par le personnel des établissements médico-sociaux ou des services de neuropédiatrie. Confrontés quotidiennement à l’enfant en situation palliative, ou en phase avancée de maladie grave, et à son extrême vulnérabilité leur expérience justifie de prime abord ces demandes d’intervention. En effet, la vulnérabilité, et les relations de dépendance qu’elle suscite, sont au centre de la prise en charge d’un enfant polyhandicapé. Vulnérable parce qu’étant ou pouvant être blessé dans son corps ou son esprit, dépendant parce que nécessitant l’intervention d’autres personnes pour assurer son quotidien. Mais si soins palliatifs pédiatriques et polyhandicap riment tous deux avec vulnérabilité, est-ce pour autant que l’accompagnement d’un enfant polyhandicapé relève d’une démarche palliative ? Si la question peut être posée, la réponse mérite réflexions pour ne pas paraître incongrue.
S’inscrivant dans la chronicité, et parfois dès le début de la vie, le soin palliatif peut se décliner auprès des enfants polyhandicapés entre soins pour la vie, et soins de la fin de la vie. Ces enfants de plus en plus « appareillés » au sein même de leur lieu de vie, que ce soit le domicile, l’établissement sanitaire ou médico-social, posent la question de la médicalisation de la vie. Peut-on, doit-on, au motif que la technique est disponible, proposer une vie qui tient essentiellement avec la médecine ? La situation médicale de ces enfants, qui peut en outre faire suite à des prouesses techniques importantes impose de réfléchir à l’obstination déraisonnable, très difficile à déterminer chez ces enfants. Entre le risque de « faire perdre des chances » à l’enfant de vivre mieux et plus longtemps et celui de lui imposer des souffrances inutiles au motif d’« éviter le pire », la frontière est étroite. En sus, qu’implique, comme responsabilité et devoir pour les professionnels, le fait d’avoir parfois créé de toutes pièces une maladie ?
Ces enfants confrontent tous ceux qui s’en occupent à un paradoxe, celui d’une extrême vulnérabilité contrastant avec une force de vie étonnante. L’expression de leur maladie oblige les parents et les professionnels à considérer comme centrales les notions d’incertitude et d’imprévisibilité. Ainsi, les soins quotidiens pour ces enfants doivent être des soins pensés pour leur vie, et non « en prévision » de leur fin de vie, utilisant l’incertitude comme une ressource.A quelles conditions les soins palliatifs pédiatriques pourraient-ils être profitables aux enfants polyhandicapés et à leur famille ? Comment faire de la rencontre des professionnels des soins palliatifs pédiatriques avec ceux du quotidien de l’enfant polyhandicapé une collaboration qui va de soi ? Quelles réponses spécifiques apporteraient véritablement les équipes de soins palliatifs pédiatriques aux équipes de pédiatrie, de médecine physique et de réadaptation, de soins de suite, et aux équipes des institutions médico-sociales, dont les missions sont d’ajuster les traitements, prévenir les complications, compenser les déficiences et améliorer le confort ? Réciproquement, quel concours apporteraient les équipes du champ du « polyhandicap », à la réflexion des équipes de soins palliatifs pédiatriques, parfois enserrées dans les normes de leurs savoirs et de leurs savoir-faire ?
Pendant deux jours, au palais des congrès de Lyon les 12 et 13 octobre, alterneront conférences plénières et ateliers, au cours desquels seront abordés les paradoxes de la rencontre entre soins palliatifs pédiatriques et polyhandicap ; et les évidences de cette rencontre. La « figure du monstre » dans ces cliniques de l’extrême, « choisir le meilleur en prenant le risque du pire », la vulnérabilité partagée, le point de vue des parents : autant de questions qui seront abordées afin que le projet de soins et d’accompagnement de chaque enfant polyhandicapé puisse être pensé et construit conjointement par les équipes soignantes et les familles, de la façon la plus respectueuse possible et la plus sensée.
Lien pour programme, et inscription : http://www.ferrspp.fr/2emes-rencontres-2017.php
Le comité scientifique de la Fédération Nationale française des équipes ressources de soins palliatifs pédiatriques :
Sandra Frache, Présidente
Christine Edan, membre
Barbara Edda-Messi, membre
Florence Etourneau, membre
Martine Gabolde, membre
Florence Jounis-Jahan, membre